LES CASERNES DE LA HONTE


Chronique d’une journée
de violences policières à Bruxelles

Cela s’est passé dans la capitale de l’Europe, en marge d’une manifestation pacifique contre les violences policières : arrestations arbitraires, passages à tabac dans les cellules des casernes d’Etterbeek, insultes racistes et sexistes, non-respect des règles sanitaires… Notre enquête sur la journée de répression du 24 janvier 2021 met en lumière des pratiques policières inacceptables. Même des policiers les ont dénoncées et elles font l’objet de plusieurs plaintes. Une instruction judiciaire est en cours.

1 - Introduction

« Nous dénonçons ces actes - que nous jugeons inadmissibles - afin qu'ils ne se reproduisent plus à l'avenir »
Un syndicaliste de la police

Quand des policiers se livrent à des arrestations arbitraires, quand des fonctionnaires déshonorent leur uniforme, qu’ils se comportent comme des voyous violents, racistes, sexistes. A Bruxelles, le 24 janvier 2021, une manifestation contre la « justice raciste » et la « justice de classe » réunissait une centaine de personnes. Après sa dislocation, des policiers beaucoup plus nombreux que les manifestants, soit plusieurs centaines selon divers observateurs, agissant sous le commandement du chef de corps de la zone Bruxelles capitale-Ixelles, procédaient aux arrestations de 232 citoyens, dont 86 mineurs d’âge. Plus d’interpellés que de manifestants ! Ce jour-là des personnes furent plaquées au mur, furent menottées sans ménagement, alors qu’elles n’avaient même pas manifesté ; alors que certaines d’entre elles ne faisaient rien d’autre que de se promener en toute innocence, un dimanche dans le centre de Bruxelles, que d’autres encore voulaient prendre leur train à la gare Centrale.

Lors de leur passage par les cellules des casernes d’Etterbeek, plusieurs détenus - lesquels étaient souvent très jeunes – ont été violentés (passages à tabac) et insultés par des policiers ; par des adultes qui leur ont donné une piètre image d’eux-mêmes et de l’institution qu’ils prétendent servir. A la suite de ces faits, une plainte collective a été déposée au parquet de Bruxelles par une dizaine de victimes et leurs parents. Une instruction est en cours. Le comité P enquête. De même que la section des affaires internes de la police de la zone de Bruxelles-capitale-Ixelles. Aussi, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances (Unia) a décidé de se constituer partie civile, tandis que la Ligue des Droits Humains, via Police Watch, son observatoire des violences policières, s’est fendue d’un long communiqué pour exprimer son inquiétude au regard des nombreux témoignages qui lui sont parvenus, « attestant d’arrestations illégales » et démontrant un « recours déraisonnable et illégitime de la force ».

Les faits inqualifiables qui se sont déroulés dans les casernes d’Etterbeek ont aussi indigné des policiers. « Nous dénonçons ces actes - que nous jugeons inadmissibles - afin qu'ils ne se reproduisent plus à l'avenir », a déclaré le responsable police de la CGSP, Eddy Quaino. Sa collègue Betty Masure, permanente dans la même organisation a fait savoir que les fonctionnaires courageux qui ont osé briser l’omerta en dénonçant ces faits ont reçu le soutien de leur syndicat. En marge de ce dossier, cette déléguée fit notamment cette déclaration éclairante à nos confrères de la RTBF : « Il y a une grande peur des représailles (au sein de la police). On est face à des travailleurs qui sont dans des situations un peu compliquées. Une certaine forme de pression est déjà en train de se mettre en place. (Il faut) créer une protection, comme pour les lanceurs d’alerte. » Cependant, il nous revient que les policiers qui ont témoigné dans ce dossier précis – il s’agit en l’occurrence d’agents expérimentés - ont reçu le soutien de leur hiérarchie directe. C’est un bon signal.

Que s’est-il passé ce 24 janvier-là à Bruxelles ? Au cours d’une longue enquête, de nombreuses victimes – souvent des mineurs d’âge - nous ont détaillé leur douloureuse expérience. Leurs récits à charge des policiers qui les ont agressés sont concordants. Ils sont accablants. Ils sont révoltants. Ils forment la trame de cette enquête, de cette chronique d’une journée de violences policières. Dans différents chapitres, nous détaillerons le contexte dans lequel les faits se sont passés ; nous accompagnerons plusieurs jeunes lors de leur arrestation, lors de leur transfert en fourgon vers les casernes d’Etterbeek, lors de leur détention en cellule. Nous entendrons aussi le point de vue du bourgmestre de Bruxelles et de la police de la zone Bruxelles-capitale Ixelles.

 

© Belga

© Belga

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2. Le ressenti des victimes

« Les gens que j’ai croisés dans cette caserne n’étaient pas de policiers mais des voyous en uniforme, sans principes, sans valeurs et sans éducation » - Yassine A. (16 ans)

Avant même d’aller au cœur des faits, il nous semble essentiel de donner un espace d’expression à ces jeunes qui, en marge de la manifestation du 24 janvier, furent arrêtés et détenus dans les cellules des casernes d’Etterbeek ; de leur donner l’occasion d’exprimer leur ressenti. Ils mettent des mots sur les traumatismes qui restent après coup et, pour certains, après les coups, après les insultes, après les humiliations. En réalité, ils questionnent notre démocratie ; ils interpellent les adultes, ceux qui sont chargés de rendre justice bien sûr, mais aussi tous les autres, collectivement. Ces mots, leurs mots, il faut les entendre pour en tirer des leçons.

Il y a les mots de Pirly K. (16 ans) qui fut tabassé gratuitement dans les cellules d’Etterbeek par plusieurs adultes, plusieurs lâches dont les visages étaient dissimulés par des cagoules ; des hommes frappant à coups de pied et de matraque sur un enfant couché à terre, déshonorant ainsi leur uniforme. Pirly dit : « J’étais juste allé voir une manifestation. On m’a enseigné que dans notre pays, les gens pouvaient protester de leurs idées, que c’était la richesse de la démocratie. Je suis déstabilisé : j’avais la conviction que les policiers étaient des personnes qui faisaient régner la loi. D’une manière générale, je voudrais encore penser comme cela. Mais, ce jour-là, dans les casernes, nous avons été confrontés à des voyous. Après ces moments traumatisants, dans un premier temps en tous les cas, je ressentais une crainte. Je me disais qu’à l’avenir, je n’oserais jamais manifester pour mes idées. Mais depuis lors, j’ai réfléchi. Aujourd’hui, je n’ai plus peur. Je suis trop indigné, j’ai envie de manifester parce que je trouve qu’il y a plein de choses qui ne vont pas. »

Il y a les mots de Salim B. (15 ans), arrêté arbitrairement ce jour-là, alors qu’il faisait un jogging dans le quartier où avait eu lieu la manifestation. Un enfant qui fut tabassé ensuite dans une cellule, sans doute par les mêmes brutes qui s’en étaient prises à Pirly. Salim dit : « Aujourd’hui, je n’ai plus de douleurs physiques. Mais quand je croise des policiers, je stresse énormément. J’essaie de les éviter, de les contourner. Quand je repense à ce qui s’est passé, je ressens l’angoisse que j’avais au moment des faits et je tremble encore. J’en ai assez de tout ce contexte de racisme. Vous rigolez en rue avec trois copains et une patrouille vous tombe dessus. Comme ça, pour rien. Au faciès. C’est humiliant. Tout cette haine qui est partout, cela m’épuise moralement. »

« Je me demande si les gens qui font des trucs pareils ont des enfants. Cela fait peur » -Ana E (21 ans)

Il y a encore les mots de Yassine A. (16 ans), arrêté parce qu’il marchait en rue ce jour-là, près la gare centrale : « Je n’avais jamais eu de problèmes avec la justice. Après ma détention, lorsqu’un policier m’a conduit vers la sortie de la caserne, il m’a dit : ‘’tu n’es jamais venu au palais, c’est bien, continue comme cela’’. Je lui ai répondu : ‘’continuer comme ça, pourquoi ? Je me fais traiter comme un délinquant de toute façon’’. Quand on m’a libéré, j’ai retrouvé ma mère en pleurs, choquée. Les gens que j’ai croisés dans cette caserne n’étaient pas de policiers, mais des voyous en uniforme, sans principes, sans valeurs et sans éducation. »

Il y aussi les mots d’Ana E., une jeune femme qui s’était rendue en ville avec quelques amies, non pas pour protester mais pour se promener : « On n’a jamais eu d’explication du pourquoi nous avons été arrêtées. J’étais en état de choc, je considère que je le suis encore aujourd’hui. Cette expérience négative m’a fait remettre en question beaucoup de choses, j’ai perdu confiance au point d’en arriver à me dire qu’il ne servirait à rien de porter plainte. Je me demande si les gens qui font des trucs pareils ont des enfants. Cela fait peur. »

Entendons également les mots de Laura F. qui participa au rassemblement pacifique de la place de l’Albertine : « On nous a fait passer un message pour nous décourager de manifester. Il n’y avait pas lieu d’intervenir comme cela. On n’a même pas été interrogé, c’était juste une opération d’intimidation. Je ressens un profond sentiment d’injustice. »

Et ceux d’Emilie VT (16 ans), arrêtée, détenue, témoin d’insultes sexistes et de violence physique, qui a complété sa découverte d’une face sombre de la police dans un commissariat du nord de Bruxelles. Elle dit : « Le 26 janvier, en compagnie de mon papa, j’ai voulu aller porter plainte. Au guichet, le monsieur ne voulait pas prendre ma déposition. Il m’a dit : ‘’Vous êtes certaine que les policiers n’étaient pas dans leur droit ?’’ J’ai expliqué qu’ils avaient frappé un homme devant moi. Il m’a répondu : ‘’Les policiers ont le droit de frapper si besoin.’’ Je lui ai rétorqué : ‘’Il y a aussi une femme s’est fait traiter de salope’’. Il a fait comme si je n’avais rien dit. Finalement, il m’a conseillé d’aller au comité P. Le message que j’ai reçu, c’est qu’il faut avoir peur de la police ; on nous a fait comprendre qu’on n’avait plus le droit de ne pas être d’accord avec quelque chose, sans quoi on risquait se faire frapper. Ce n’est pas normal. »

Cette enfant a raison, ce n’est pas normal. Un peu plus âgé, Misha V., 21 ans, trouve des mots qui sonnent comme un réquisitoire. Mais qui oserait les trouver trop sévères alors que celui qui les prononce a été témoin et victime d’insupportables faits de violence et d’insultes racistes dans les casernes d’Etterbeek, transformées en caserne de la honte, un jour de janvier par quelques énergumènes qui, malgré l’uniforme avec lequel ils se déguisent, ne sauraient être représentatifs de l’Etat ? Qui oserait aujourd’hui contredire Misha qui, dans une cellule, se fit gifler gratuitement, se fit insulter (« sale macaque ») et se fit cracher dans le visage par un type qui croit être policier ?

Misha V dit : « C’est traumatisant. Je suis déçu d’un système qui permet à des gens pareils de porter l’uniforme de la police. Certains agents que j’ai vus ce jour-là ne devraient pas faire ce métier, ce n’est pas pour eux. Il faut de l’empathie, de la sensibilité, le sens du dialogue. Après des comportements pareils, comment peuvent-ils rentrer chez eux et faire comme si de rien n’était ? Ils font cela parce qu’ils veulent que nous ne manifestions plus. En nous traitant de la sorte, ils insultent l’avenir car nous sommes le futur. Je ne comprends pas comment on pourrait aller vers un monde meilleur, comment on pourrait changer les choses, si on nous interdit de nous exprimer. On est dans un pays libre. Enfin, je le croyais. »

La Belgique est en effet un pays libre, démocratique, et on ne doute pas que les juges le confirmeront en infligeant les sanctions judiciaires adéquates aux auteurs des faits. Ces derniers devraient aussi être mis au ban par leurs collègues qui ont le sens de l’Etat. Il n’y a pas eu mort d’homme dans cette affaire mais, sur le plan des principes, les faits sont d’une extrême gravité. Si de tels actes étaient banalisés, que pourrait être l’étape suivante ?

Yassine, Alex, Emilie, Pirly, Misha et Simon. © Ronald Dersin.

Yassine, Alex, Emilie, Pirly, Misha et Simon. © Ronald Dersin.

Pirly © Ronald Dersin

Pirly © Ronald Dersin

Yassine - © Ronald Dersin.

Yassine - © Ronald Dersin.

Emilie VT. © Ronald Dersin

Emilie VT. © Ronald Dersin

Misha. © Ronald Dersin.

Misha. © Ronald Dersin.

3.  Une manifestation sous haute surveillance

« Il y avait beaucoup plus de policiers que la centaine de manifestants » - Emilie M., 18 ans

Initialement, la manifestation contre les violences policières et leur traitement par une justice dite « de classe » et « raciste », devait avoir lieu le 5 décembre 2020. Il s’agissait pour ses initiateurs – des militants antiracistes, féministes et de la gauche radicale - de faire part d’une indignation relative à des interventions policières et à leur appréciation par l’autorité judiciaire : les affaires Mawda, Adil, Mehdi, Ibrahima mais aussi la condamnation de syndicalistes à une peine de prison avec sursis, pour avoir bloqué une route dans le cadre d’une grève. Fin novembre, Axel Farkas, l’un des organisateurs et porte-parole du mouvement « Gauche anticapitaliste » demanda l’autorisation de manifester à la ville de Bruxelles, laquelle se renseigna sur l’intéressé auprès de sa police.

Axel Farkas. © Ronald Dersin.

Axel Farkas. © Ronald Dersin.

Il en résulta, le 1er décembre 2020, un rapport alléguant que Farkas était un « activiste bien connu pour rechercher la confrontation avec la police » et que, dans les mois précédents, son organisation avait été impliquée dans des incidents liés à différentes manifestations. Etaient citées notamment les manifestations « Black Lives Matter » en juin 2020, « La santé en lutte » en septembre 2020 et les émeutes liées à l’affaire Adil en novembre 2020. Toutefois, ce rapport policier était mensonger : Farkas, dont le casier judiciaire est vierge, n’a jamais été suspecté, ni même interrogé en marge des évènements précités. Il en va de même des autres membres de son organisation.

Toutefois, ces informations erronées seront reprises dans un arrêté du bourgmestre de la ville de Bruxelles pris le 3 décembre pour interdire la manifestation (lire aussi les arguments de Philippe Close dans le chapitre 10 de ce dossier). Qui plus est, cet arrêté présentant Farkas tel un guérillero des boulevards bruxellois, fut affiché en de nombreux exemplaires à partir du 5 décembre 2020, dans différents lieux de passage au centre-ville. « Plus tard, le bourgmestre s’engagea à faire disparaître ces placards calomnieux mais, de fait, ils restèrent en place pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour certains d’entre eux », explique Farkas. En conséquence, ce dernier a entamé une procédure civile contre la police et de la ville de Bruxelles ; il demande la publication d’une information rectificative dans des quotidiens et un euro symbolique, en termes de dédommagement.   

Mont des Arts - © Doc

Mont des Arts - © Doc

« Vu l’interdiction de manifester le 5 décembre, nous avons introduit une nouvelle demande de pouvoir nous réunir le dimanche 24 janvier devant le palais de Justice de Bruxelles. », raconte encore Axel Farkas.  « A la requête des autorités administratives et judiciaires, nous avons limité le nombre de participants à une centaine et nous avons déplacé l’évènement au Mont des Arts. Nous nous sommes aussi engagés à veiller au respect des normes sanitaires par l’organisation d’un service d’ordre adéquat. 48 heures avant la manifestation, tout était en ordre pour tout le monde. Mais, le vendredi, nous avons reçu un appel de la police nous signalant que la ministre de l’Intérieur souhaitait interdire la manifestation, invoquant la crise sanitaire. Quelques heures plus tard, la ville communiquait à la presse que notre rassemblement ne serait finalement pas autorisé. Le samedi, après de nouvelles négociations, la police nous fit savoir qu’en définitive la manifestation serait tolérée pour une durée de 45 minutes sur la place de l’Albertine, le dimanche à 14 heures. »

© Bruno Boelpaep / BBC News

© Bruno Boelpaep / BBC News

Au lieu et à l’heure dite, les manifestants se rassemblèrent. Parmi eux, il y avait Emilie M., Laura F., Misha V. ou encore Magali L. Des témoins qui font état d’un même malaise ressenti lorsqu’ils arrivèrent sur place. « Il y avait beaucoup plus de policiers que la centaine de manifestants », résume Emilie M. « Alors même que la manifestation se déroulait, on percevait déjà que les policiers encerclaient tout le périmètre. Ils étaient partout », confirme Laura F.

« Quand nous sommes arrivés, un policier en civil nous a confirmé que la manifestation était tolérée pour une durée de 45 minutes », précise Farkas. « Toutefois le climat était tendu car des agents casqués et en tenues anti-émeute étaient disposés tout autour de la place. C’était un mélange entre des policiers de la zone de Bruxelles-capitale-Ixelles et des policiers fédéraux venant en renfort de Wallonie et de Flandre (ndlr : le dispositif était placé sous le commandement de chef de corps de la police de la zone Bruxelles capitale-Ixelles). Ce déploiement policier était totalement disproportionné, c’était assez surréaliste. Certains agents semblaient nerveux. Rapidement, des militants qui voulaient déployer une banderole ont été menacés d’arrestation. Ensuite, des personnes qui désiraient nous rejoindre ont été l’objet de contrôles d’identité. Il y a même des gens auxquels on a interdit de se rendre sur la place. » Ce qui, selon la LDH, pourrait être considéré comme une « violation du droit de manifester garanti par l’article 26 de la constitution. » 

4. Arrestations

 « Tout à coup, les policiers se sont mis à courir derrière des jeunes qui passaient à proximité. Il s'agissait de gamins racisés qui n'avaient rien à voir avec la manifestation » -Lucas G. (24 ans)

La manifestation se passa dans le plus grand calme – ce dont a convenu la police (lire son communiqué repris dans le chapitre 11) et, au bout du terme convenu de 45 minutes, les organisateurs mirent fin à l’évènement. « Ensuite, il y a eu un moment de flottement, comme après chaque rassemblement. Des personnes sont restées sur la place tandis que les policiers se contentaient de nous observer. Il ne se passait rien de spécial. », se souvient Magali L. 

Présent sur place également, Lucas G. confirme : « Comme d’autres, après les discours, je suis resté dans le quartier. Ce ne devait être que pour quelques minutes, le temps de discuter avec des connaissances avant de rentrer chez moi. Rapidement, nous nous sommes écartés de la place de l’Albertine vers le square de la Putterie qui se trouve juste à côté (ndlr : direction gare centrale). Il y avait énormément de policiers mais, malgré cette présence pesante, tout se passait bien. Et puis, tout à coup, les policiers se sont mis à courir derrière des jeunes qui passaient à proximité. Il s’agissait de gamins racisés qui n’avaient rien à voir avec la manifestation. Ces faits ont attisé la curiosité, ils ont incité les gens à rester sur place, provoquant un petit mouvement de foule. Nous voulions observer ce qui se passait, pour être en mesure de témoigner d’une éventuelle bavure. Rapidement, des policiers ont fait barrage pour nous masquer la vue. Il y en avait de plus en plus, ils arrivaient de partout. »

« En parallèle de la prise en chasse de ces huit ou dix jeunes, plein de robocops sont apparus dans la zone », confirme Magali L. « Quand j’ai vu tous ces casques blancs qui apparaissaient, je me suis inquiétée pour ces gosses. Je me suis rapprochée pour voir ce qui se passait. Bien d’autres personnes ont fait comme moi. Plus tard, je me demanderai si tout cela n’avait pas été une sorte de provocation policière : susciter des incidents permettant de justifier ce qui allait suivre. En tous les cas, la prise en chasse des jeunes qui ne faisaient que passer provoqua du remous. Des gens qui avaient participé à la manifestation mais aussi beaucoup de passants – c’était un dimanche ensoleillé et plein de gens se promenaient- cherchaient à voir ce qui se passait. Alors qu’un cordon policier se formait pour nous en empêcher, il y eut bientôt ceux qui se retrouvaient à l’intérieur du cercle et ceux qui, comme moi, eurent la chance de ne pas être pris dans cette nasse. Rapidement, nous avons compris que tout était cadenassé. On a vu des chevaux, des chiens et bientôt un hélicoptère. C’était impressionnant, c’était aussi n’importe quoi car il ne se passait rien qui justifiait un tel déploiement de force. La manifestation avait été pacifique, sans violence aucune, sans agression aucune, sans dégradation aucune de l’espace public et elle s’était déroulée dans le respect des normes sanitaires. Les forces de l’ordre ont surréagi de manière démentielle, comme s’il y avait eu un attentat terroriste. C’est à se demander si elles n’avaient pas attendu un prétexte pour se mettre en branle. »

« Nous étions déjà totalement encerclés ; la nasse était en train de se refermer » Misha V., 22 ans

C’est dans ce contexte troublé qu’une jeune femme se fait remarquer par la police. Disposant d’une enceinte et d’un micro, elle passe un morceau de rap qui dénonce les violences policières. Misha V. explique : « Cette femme était déjà présente durant la manifestation. Et elle donc réapparu avec sa musique qu’elle mettait à plein volume. A aucun moment, elle n’a crié d’insultes mais des policiers en civil l’ont très vite arrêtée. Sans ménagement, elle a été jetée dans une camionnette, ce qui a provoqué un autre attroupement. Des gens ont rouspété : ‘’Relâchez-là, elle n’a rien fait !’’. On comprenait alors que la police était bien là dans une logique répressive. Mais à ce moment-là, nous étions déjà totalement encerclés ; la nasse était en train de se refermer. »

Lucas G. se trouve alors du mauvais côté du cordon : « Quand j’ai vu comment cela tournait, j’ai voulu quitter les lieux mais ce n’était déjà plus possible. La police bloquait toutes les rues. J’étais pris dans le piège. Comme des tas d’autres, je n’étais plus libre de mes mouvements, j’ai été dirigé vers la gare centrale. »

Simon P. (16 ans) fait aussi partie des personnes piégées : « Avec quelques amis, nous nous étions rendus dans les environs de la manifestation pour observer ce qui se passait. On est arrivé en retard : tous les discours étaient déjà terminés. Au pied du Mont des Arts, nous avons observé un mouvement de foule et des policiers nous ont dit de dégager, en fait ils nous ont envoyé tout droit dans la nasse. Nous étions loin de nous douter que, quelques minutes plus tard, nous allions être arrêtés. On n’avait rien fait d’autre que de sortir d’un bus et de marcher une centaine de mètres. »

« J’ai donné l’ordre de mettre fin à ce rassemblement » - Le bourgmestre Philippe Close :

Dans un entretien à lire en intégralité dans le chapitre 10 de ce dossier, Philippe Close, le bourgmestre de la ville donne sa version de faits : « Des groupes de personnes restaient encore présents (…). J’ai reçu l’information que plusieurs jeunes appelaient « à tout casser » et on voyait des gens courir dans tous les sens. C’est ce qui a justifié la mise en œuvre de cette technique de confinement (ndlr : la « nasse » dont parlent les témoins) pour isoler les éventuels fauteurs de troubles et éviter tout incident. J’ai tout suivi sur les écrans du poste de commandement (...) J’ai donné l’ordre de mettre fin à ce rassemblement de personnes. (…) Elles devaient obtempérer aux injonctions de quitter l’endroit. Cela leur a été demandé plusieurs fois. A un moment, on intervient. Je n’allais tout de même pas attendre que l’on en vienne à brûler un commissariat ou que l’on commence à casser des vitrines pour agir. (…) Et puis, il y avait le contexte sanitaire. On était en pleine seconde vague et j’avais quatre hôpitaux sur mon territoire dont les services de soins intensifs étaient proches de la saturation. (…) A refaire, je ferais la même chose (...). »  

Un communiqué de la police évoque aussi des « appels à tout casser ». Cette allégation n’est cependant confirmée par aucun des témoins que nous avons rencontrés ; elle fait sourire Lucas G. : « Ils devraient trouver autre chose. Il n'y a eu aucun appel à la violence. Je n'ose croire qu'ils feraient allusion à ce gamin de 10 ans qui a voulu faire le malin pendant la manifestation en criant quelque chose du genre... Personne ne l'a évidemment pris cela au sérieux et d'ailleurs cet enfant a été recadré par les organisateurs. »

La police évoque aussi des cas de « personnes qui ont cherché à éviter les points de contrôle », après la manifestation. Toutefois, dans les récits de plusieurs témoins, il est plutôt question d'incompréhension de l'action policière (effet de surprise) et d’arrestations arbitraires.

« Un peu plus loin, un autre policier en civil m’a pris à la gorge et il m’a donné deux baffes » Salim B (15 ans)

Car ensuite les interpellations se multiplient. Ne se contentant pas des nombreuses personnes déjà prises dans leur nasse, des policiers s’en prennent arbitrairement à des passants circulant dans les rues avoisinantes. De l’abus de pouvoir manifeste, comme en fut victime, par exemple, Soufian E. (18 ans). Il raconte : « Avec un ami, nous marchions paisiblement en direction de la galerie Agora. Soudainement un combi s’arrête. Deux policiers en sortent. Ils nous plaquent contre un mur. On leur demande pourquoi. L’un des deux répond : “Ferme ta gueule, avance”. Je ne me plains pas, j’ai l’habitude des contrôles au faciès : surtout ne pas réagir, sinon cela peut partie en cacahuète. Ils nous conduisent du côté du boulevard de l’Impératrice. Trois de leurs collègues les rejoignent. Ils nous mettent des colsons, mains liées dans le dos. Ils nous font asseoir sur le bitume, dans une ‘’chenille’’ de détenus devant la gare centrale. »

Un autre cas. Fort semblable. Yassine A. (16 ans) a rendez-vous à 15 H 30 ce jour-là à la gare centrale : « Je devais rejoindre des gens qui tournaient une vidéo pour mettre en valeur un morceau de rap. Ils venaient de Wallonie et de Flandre. Parmi nous, personne ne savait qu’il y avait eu une manifestation dans ce quartier. Masqués, respectant les distanciations sociales, nous marchions en direction du parc royal lorsque nous avons été encerclés par des policiers en tenue anti-émeute, portant bouclier et matraque. C’était une situation stressante. Nous leur avons demandé ce qui se passait, pourquoi nous étions arrêtés, mais ils ne nous ont pas répondu. On aurait dit des robots. » 

Dans la même tranche horaire, Salim B. (15 ans) fait un footing avec un ami. Bons sportifs, ils ont déjà couru quelques kilomètres alors qu’ils arrivent dans le quartier de la gare centrale : « Nous avons été pris dans un véritable labyrinthe. Des policiers nous disaient d’aller par ici et puis par là. Un policier en civil, porteur d’un brassard m’a frappé sur le postérieur avec sa matraque : ''Dégage, dégage !''. Un peu plus loin, un autre policier en civil m’a pris à la gorge et il m’a donné deux baffes. Ensuite, un agent m’a mis les colsons en me disant qu’il était désolé, qu’il ne comprenait pas ce qui se passait. Cet homme était correct mais rapidement un collègue l’a rejoint. Il l’a tancé : ‘’Ce n’est pas comme cela que l’on attache les colsons !’’ Et il les a serrés plus fort. C’était douloureux. »  

« Je suis persuadée que si nous n’avions pas été un groupe de "petites blondes", nous aurions été emmenées aux casernes avec les autres » Emile M., 18 ans.

Ana E. a été arrêtée alors qu’elle se rendait en ville avec quatre colocataires. Elle raconte : « Nous nous trouvions à proximité du Mont des Arts quand nous avons eu l’attention attirée par l’important dispositif policier. Nous avons eu la curiosité d’aller voir ce qui se passait de plus près. De trop près apparemment. Rapidement des agents masqués, dont nous n'entrevoyions que les yeux, nous ont plaquées au mur. J’ai fait remarquer à une policière qui me fouillait que j’avais des droits. Elle m’a répondu : ‘’Vous n’avez pas de droit’’, avant de marmonner quelque chose que je n’ai pas compris. Une autre policière a shooté dans les jambes d’une amie parce qu’elle n’écartait pas les jambes assez vite. C’était gratuit, insensé. Nous étions quatre et une seule d’entre nous, Aurore, n’était pas racisée. Elle n’a pas été plaquée au mur, elle n’a pas été contrôlée, elle a pu repartir. Les autres filles et moi, nous avons été arrêtées. »

A peu près au même moment, dans le même quartier, Emilie M. et quelques-unes de ses copines se montrent tout aussi curieuses qu’Ana E. et ses colocataires : « Un policier qui ne portait pas d’uniforme anti-émeute et dont la tête était recouverte d’un képi s’est approché de nous : ‘’Je vous conseille de partir. On va commencer à arrêter tout le monde.’’ Autour de nous, on le voyait bien, d’autres personnes étaient déjà arrêtées, la nasse était déjà en train de se refermer. En passant dans une rue proche de la place de l’Albertine, nous avons vu quatre jeunes garçons, des mineurs d’âge de toute évidence, qui étaient assis, les mains liées derrière le dos sur un trottoir. Nous avons fait remarquer à une policière qu’il fallait prévenir leurs parents. Cela n’a pas plu. S’en est suivi un contrôle d’identité. L’un des policiers a remarqué que l’une d’entre nous était la fille d’un avocat renommé ; il l'a souligné explicitement. Cela n’est pas allé plus loin. Je suis persuadée que si nous n’avions pas été un groupe de « petites blondes », nous aurions été emmenées aux casernes avec les autres. »

Lucas. © Ronald Dersin.

Lucas. © Ronald Dersin.

© Doc.

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Simon - © Ronald Dersin

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5. Dans la nasse

« Dans le cercle, j’ai essayé de parler aux policiers mais ils étaient très peu réceptifs » - Alex M., 16 ans

On l’a lu (témoignage de Soufian E.), certains passants interpellés ont été rapidement « colsonnés » dans l’attente d’un transfert en fourgon vers les casernes d’Etterbeek. Mais pour les personnes qui se trouvaient prises dans le périmètre de la nasse policière, la procédure fut différente. Emilie VT raconte : « Les policiers ont de plus en plus refermé le cercle jusqu’à ce que nous nous trouvions tous collés les uns aux autres devant les arrêts de bus « Gare centrale », rue de la Putterie. On ne nous donnait aucune explication, sauf des propos du genre : « Tu n’avais qu’à pas être là » ou « On t’expliquera ». Dans cette nasse, j’ai parlé avec une fille qui s'était trouvée dans le quartier parce qu’elle voulait simplement prendre son train vers Mons. »

Misha V. complète : « Nous étions pris dans un piège. Les policiers nous empêchaient de sortir de la nasse. Ils nous poussaient vers les arrêts de bus « Gare centrale ». Au moins une centaine de personnes ont ainsi été agglutinées, comme des sardines dans une boîte. Nous sommes bien restés une demi-heure, voire trois quart d’heure, dans ce cercle. La distanciation sociale était inexistante, certains n'étaient pas masqués, d'autres fumaient. » Lucas G confirme que « dans ce cercle, il n’y avait aucun respect des mesures Covid et cela ne préoccupait pas du tout les policiers. »

Alors que ces jeunes cherchent à savoir ce qu’on leur veut, ils font connaissance avec une forme de langage qui n’est certainement pas enseignée dans les académies de police. Alex M., 16 ans : « Dans le cercle, j’ai essayé de parler aux policiers mais ils étaient très peu réceptifs. On avait pour réponse des regards mauvais, parfois aussi des regards perdus. Pas mal de ces agents ne savaient pas eux-mêmes vers où tout cela allait conduire. Les seuls mots qu’on a finalement pu soutirer étaient les suivants : « On vous expliquera plus tard » et « Ferme ta gueule ». C’était très sec. Dès le début, la communication avec le citoyen était inexistante. ».

Laura F. renchérit : « Malgré tout, les gens détenus dans ce cercle restaient calmes. En réalité, on était tétanisé, on se demandait ce qui se passait. Pour accroître le côté flippant de la situation, on entendait les chiens crier, le bruit d’un hélicoptère qui survolait la zone. C’était un truc de fou. Une amie qui était avec moi cherchait des explications. En réponse, elle a entendu une policière lui dire un truc du genre : ‘’n’essaye pas de t’approcher, salope ! ’’ »

« Il y a eu effectivement un tri. Des amis qui étaient sur place avec moi ont pu s’en aller » Lucas G., 21 ans 

Certaines personnes vont attendre près d’une heure, prisonnières dans cette nasse, devant la gare centrale. Et avec surprise, elles vont constater ce que Misha V. qualifie de « sélection arbitraire », de « tri qui n’avait aucune logique apparente ». Il raconte : « Un ami qui se trouvait avec moi a pu partir. Lorsqu’il est sorti du cercle, il a entendu dire : ‘’Maintenant, tous les autres, on les emmène.’’ Peut-être y avait-il trop de monde pour leur capacité de transport vers les casernes ? » 

Pirly K. confirme : « C’était hallucinant, on ne comprenait rien à ce qui passait. Une amie qui était avec moi a pu sortir du cercle. Moi, on m’a mis les colsons. Je n’ai pas compris les critères de sélection. ». Lucas G. ajoute : « Il y a eu effectivement un tri. Des amis qui étaient sur place avec moi ont pu s’en aller. Et puis, tout d’un coup, plus personne ne pouvait partir. Pourquoi ? Je ne le sais pas. »

De cette nasse, Alex M. garde l’image suivante : « Des policiers nous encerclent. Plus loin, en second rideau, certains de leurs collègues sont en train de fumer une clope et ils ont l’air de bien se marrer. De toute évidence, ils ne percevaient pas la situation de la même manière que nous. Ils étaient détachés. » 

Ensuite les personnes prises dans la nasse sont emmenées un peu plus loin, une par une. Pirly K. : « J'ai découvert en sortant du cercle qu’il y avait plein de prisonniers qui étaient assis par terre. On m'a lié les mains dans le dos avec des colsons. Dès lors, je n’avais plus la possibilité d’utiliser mon portable pour appeler mes parents. Cela m’a stressé, j’ai commencé à pleurer. N’ayant rien fait de mal, je n’avais pas imaginé un seul instant que j’allais être arrêté. On m’a placé avec les autres, nous étions assis en chenille sur le bitume, nos jambes enserrant celui se trouvant devant nous, nos mains dans le dos, proches des parties intimes de celui se trouvant derrière nous. C’était une position humiliante. J’ai eu le sentiment que certains policiers nous toisaient, qu’ils trouvaient ainsi à affirmer une forme de domination. Même quand on leur demandait l’heure, ils ne nous répondaient pas. Leur comportement était déstabilisant : certains avaient l’air de rigoler, d’autre avaient l’air d’être en colère. On aurait dit qu'ils avaient un compte à régler avec nous, qu'ils venaient d’arrêter des terroristes. Au bout de quelques minutes dans cette position sans appui, j’ai commencé à souffrir du dos. »

Yassine A., qui s’est trouvé lui aussi dans l’une des chenilles, confirme : « Après m’avoir mis brutalement les colsons, on m’a conduit dans cette file et, pour que je sois plus vite à terre, un policier m’a fait une balayette. Nous nous trouvions dans une rue en pente, collés les uns aux autres. Un monsieur s’est plaint d’avoir mal au dos. Cela a fait marrer un policier : ‘’ Tu devrais aller plus souvent à la salle pour t’entraîner’’. » Beaucoup de témoins parlent de colsons serrés trop forts. C’est notamment le cas de Lucas G. : « J’en ai gardé les traces pendant plusieurs semaines après les faits. »

Après de longues minutes d’attente, certains ont froid. D’autres, à cause des colsons, ont les mains qui bleuissent. Mais ils ne sont pas au bout de leurs peines. On les fait monter, pour la plupart dans des fourgons, pour d’autres dans un car. Direction, les casernes d’Etterbeek.

© Belga

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6. Dans les fourgons

« En s’asseyant, l'un de ces deux-là lance : « Ici, ça pue la femme, c’est dégueulasse » - Emilie VT, 16 ans.

« On me fait monter dans un fourgon où il n’y a que des filles », raconte Emilie VT. « A l’avant se trouvent deux policiers portant l’uniforme classique. Deux « robocops » montent à l’arrière. En s’asseyant, l'un de ces deux-là lance : « Ici, ça pue la femme, c’est dégueulasse ». Encore une fois, les règles sanitaires ne sont pas respectées : « Nous sommes environ 20 personnes dans ce fourgon. Comme nous sommes menottées, on ne sait pas remettre le masque lorsqu’il tombe. Un policier dit à l’une d’entre nous qui s’en inquiète : ‘’De toute manière, à ce stade, ton masque il ne sert plus à rien’’. Lui, il est masqué. »

Salim B est conduit dans un autre fourgon : « Nous étions une quinzaine, des arabes et des noirs, plus un italien typé arabe. Les vitres étaient teintées. Alors que nous étions assis, les mains liées dans le dos, un robocop est monté à bord. Il s’est dirigé vers un noir et il lui donné un coup avec son casque. Ensuite, il l’a frappé avec ses gants rembourrés et ses avant-bras renforcés par des protections. J’ai baissé les yeux pour ne pas être frappé à mon tour. Il nous a dit ‘’on va tous vous tuer’’ et il est sorti de la camionnette. Deux policiers plus calmes sont arrivés. La camionnette a démarré. Elle roulait très vite. On n’avait pas de ceinture, on bougeait dans tous les sens. » 

Plusieurs témoins confirment que les règles sanitaires n’étaient pas respectées dans les fourgons (personnes trop serrées, masques tombés). Pour la plupart d'entre eux, ils expliquent encore qu’ils ne savaient pas du tout où on les conduisait. Ana E, par exemple : « Je n’avais jamais eu d’altercation avec la police. Dans ce fourgon, je me sentais stressée, j’avais peur. Je me demandais où on allait. Certains ont questionné les policiers. Ils répondaient : « Oui, oui, plus tard ». C’était un choix délibéré de leur part de nous laisser sans information. » Pour d’autres, le transfert vers la caserne fut moins angoissant. Misha V. raconte que dans le fourgon où il se trouvait, « il y a eu un moment comique : le conducteur avait mis de la techno à la radio et le volume était élevé. Ce fut un moment de légèreté. »

« Quand nous leur disions que les colsons faisaient mal, ils n’écoutaient pas. J’ai eu le sentiment que nous étions traités comme du bétail » - Misha, 21 ans.

Lorsqu’ils arrivent aux casernes d’Etterbeek, la plupart des détenus doivent patienter dans les fourgons ; entre 20 minutes à 1 heure, selon les cas. Yassine T. : « Mes mains étaient gonflées à cause des colsons trop serrés. J’ai demandé à un policier : ‘’Monsieur, s’il vous plait, pouvez desserrer ou me mettre un autre colson ? Cela me fait mal, il fait froid, je ne sens plus mes doigts’’. Il n’a rien fait, il m’a juste répondu : « T’inquiète, avant qu’on t’ampute, il faudra encore quatre heures. ».

Le récit de Misha V. concorde : « Nous, nous sommes restés là pendant près d’une heure. Il faisait froid. Nous leur avons demandé de fermer la porte mais ils ne nous écoutaient pas. Quand nous leur disions que les colsons faisaient mal, ils n’écoutaient pas. J’ai eu le sentiment que nous étions traités comme du bétail. »

« Après avoir pris son cliché, il a rigolé avec un de ses collègues. Cela donnait l’impression que nous étions un trophée »  Pirly K., 16 ans.

Une formule qui rejoint celle utilisée par Emilie VT : « J’avais juste l’impression d’être un animal que l’on conduisait à l’abattoir. Pendant que nous attendions, frigorifiés, douloureux à cause des colsons et angoissés parce qu’on ignorait ce qui allait nous arriver, ces policiers faisaient leur pause. Ils buvaient leur café, ils fumaient leur cigarette, ils se proposaient des petits biscuits. » Simon P. étaye : « Ces policiers qui faisaient leur pause étaient particulièrement détendus. Pour eux, tout cela était une routine. »  

Conduit à Etterbeek dans un car, Pirly K. fait part de cette anecdote affligeante : « Nous sommes restés dans ce bus pendant bien plus d’une demi-heure. Les policiers faisaient leur pause cigarette. L’un d’entre eux est rentré dans le car et il a pris une photo de nous en plaçant son objectif vers le rétroviseur intérieur. Après avoir pris son cliché, il a rigolé avec un de ses collègues. Cela donnait l’impression que nous étions un trophée. »

7. Dans les casernes

« Un policier est passé dans le couloir et il a dit assez fort pour qu’on l’entende : « 3 arabes, 2 noirs, 1 polonais, on est au commissariat ou sur un chantier ? » Yassine A., 16 ans.

Vient le moment du transfert en cellule. Misha V. témoigne : « Dans le bâtiment où l’on nous a conduit, il y avait plusieurs cellules d’environ 20 m2 qui étaient disposées autour d’un couloir central. On pouvait voir les geôles d’en face par de petites ouvertures dans les portes grillagées. Dans la cellule où j’ai été placé, il y avait une vingtaine de personnes. On avait froid, ce n’était pas chauffé. J’ai parlé avec un garçon qui s’était fait laminer à la gare centrale : il avait la lèvre fendue, sa veste était complètement déchirée, on voyait qu’il avait eu du gaz lacrymo dans les yeux. J’ai aussi discuté avec un monsieur qui travaillait pour le parlement en tant que traducteur. C’était le plus âgé. Il était simplement sorti de son train et il avait été pris dans la nasse. Il préférait en rire, il trouvait la situation totalement absurde. »

Dans certaines cellules, les détenus s’entraident pour se débarrasser des colsons. Mais ce n’est pas le cas dans celle où se trouve Yassine A. : « Je suis resté là pendant deux heures mais le temps m’a semblé beaucoup plus long. J’avais toujours les mains liées dans le dos, les colsons me faisaient de plus en plus mal, j’avais froid. J’ai demandé à aller aux toilettes, un agent m’a répondu : ‘’ débrouille-toi comme cela, fais dans la cellule ’’. Un policier est passé dans le couloir et il a dit assez fort pour qu’on l’entende :  ‘’ 3 arabes, 2 noirs, 1 polonais, on est au commissariat ou sur un chantier ? ’’ Cela fut suivi d’un grand éclat de rire de l’un de ses collègues. Mais où nous avait-on emmenés ? Qui étaient ces gens ? »

Salim B., quant à lui, se trouve dans une cellule où « il n’y avait que des personnes racisées ». Soufian E. aussi : « Dans la première cellule, il y avait des majeurs et des mineurs mais pas de blancs, uniquement des arabes et des noirs. Cela donnait clairement l’impression qu’un tri avait été fait. Beaucoup de gens qui étaient là n’avaient rien à voir avec la manifestation. Il y avait même un type qui m’a expliqué qu’il était SDF : ‘’j’étais dans mon endroit habituel, ils m’ont arrêté’’.

Lucas G. séjourne dans une première cellule pendant plus de 4 heures. Ce qui lui reste surtout c’est le souvenir d’« une ambiance anxiogène, malsaine » : « Dès que je suis arrivé dans cette caserne où tous les bruits résonnent et jusqu’au moment où j’en suis parti, j’ai entendu des cris de douleur, des cris de colère, des insultes. » A propos d’insultes, Yassine A. rassemble les mots qu’il a entendus au cours son passage par les casernes ; des mots, c’est inconcevable, adressés à des gosses par des adultes dont la mission est de servir l’Etat : « Sales noirs, bougnoules, fils de chien, fils de pute ».

Avec un exemple concret, Misha V. raconte comment fonctionne la fabrique à insultes : « Un détenu demande à un policier qui se trouve dans le couloir :  ‘’Qu’est-ce qui va se passer maintenant ?’’ Pas de réponse. Il insiste. Le policier crie : ‘’Ferme ta gueule !’’. Le garçon reste calme : ‘’Pourquoi est-ce que vous me parlez comme cela ?’’ Réponse : ‘’Va te faire foutre’’. Suivent quelques insultes obscènes, genre ‘’je vais baiser ta mère’’. Là, le garçon s’énerve. Il passe au tutoiement : ‘’Pourquoi tu me parles comme cela ?’’ Le policier lui répond : ‘’T’inquiète, je me rappelle bien ta petite tête. Quand tu sortiras d’ici, on va s’occuper de toi.’’ Le garçon, chauffé à blanc rétorque : ‘’T’inquiète, je t’attends, pas de problème.’’ J’ai eu peur pour ce jeune homme, il était racisé comme moi, je lui ai dit qu’il serait plus sage qu’il se taise, qu’il allait se faire dégommer. Alors, il a eu cette phrase qui m’a marqué : ‘’Aujourd’hui c’est moi, demain ce pourrait être toi.’’

« Son regard croise le mien. Il me dit : ‘’Qu’est-ce que tu regardes, sale macaque ?’’ Et il me crache au visage. » Misha V. , 21 ans.

Quelques minutes plus tard, 10 policiers cagoulés, en tenues antiémeute débarquent dans la cellule de Misha : « J’ai aussitôt un réflexe de soumission :  je m’assois, regard vers le bas ; je n’ai pas envie de recevoir des coups. Ils nous toisent. Un policier s’arrête à un mètre de moi, je peux juste voir ses pieds. J’entends des insultes qui sont criées à la volée : ‘’connards’’, ‘’bande de fils de pute’’. L’un de leurs supérieurs arrive, il a un uniforme normal, il porte un couvre-chef. Il dit : ‘’Qui a parlé ?’’ Personne ne répond. Ensuite, il passe devant chaque détenu : ‘’C’est toi ?’’. Il fait tout le tour de la cellule et il finit avec moi. Je tremble. J’ai peur. Je lui dis : ‘’Non, ce n’est pas moi’’. Il s’énerve : ‘’Vous n’êtes qu’une bande de petites putes’’.  Près de moi se trouve un garçon, debout, les mains attachées dans le dos. Un policier en tenue anti-émeute se rapproche de lui : ‘’Tu es certain que ce n’est pas toi ?’’. Le suspect n’a pas le temps de répondre ; le robocop lui donne deux gifles avec ses gants renforcés. Cela produit bruit impressionnant, je n’ose pas regarder, mais je sens que le policier qui est tout près de moi m’observe. Finalement, je lève un peu les yeux. Son regard croise le mien. C’est un francophone. Il me dit : ‘’Qu’est-ce que tu regardes, sale macaque ?’’ Et il me crache au visage. »  

Lucas G. : « En ce qui me concerne, je reste au moins jusqu’à 22 h dans une première cellule. Sans pouvoir aller aux toilettes, sans avoir d’eau ou quelque chose à manger, avec les mains liées dans le dos. J’appelle plusieurs fois pour signaler que je suis claustrophobe. Je voudrais sortir pendant 5 secondes pour respirer mais personne ne me répond. En réalité, les policiers ne répondent à aucune demande mais, de temps en temps, il y en a un qui passe devant notre porte pour nous exciter. On entend des insultes du genre : ‘’ Ici, il n’y a que des macaques ’’ . Cela fait monter la tension et des détenus se font avoir :  ils crient des choses en direction de policiers. Ces derniers ont leur prétexte. Ils débarquent. Je suis près de la porte : ‘’Dégage, dégage !’’. Pas le temps de reculer, je trébuche en arrière sur quelqu’un. Un policier hurle : ‘’Qui a crié ? Alors, on n’assume pas ?’’. Je croise son regard. J’ai juste le temps de dire : ‘’ Ce n’est pas moi ’’, avant de recevoir deux gifles. Ensuite, il me prend la tête, il essaye de me mettre un coup de genou. Je parviens à esquiver. Il se met à insulter tout le monde. Un deuxième policier essaye de me donner une gifle parce qu’il estime que j’ai toujours le regard trop haut. Il rate son coup. Il réussit juste à m’arracher mon masque qui reste collé sur sa main. Il me l’écrase sur le visage avant de le jeter par terre. Il me prend la tête et il me frappe ; mon crâne heurte le mur en béton de la cellule. Je suis sonné. Je n’ose plus regarder que mes pieds. Je me fais tout petit, le temps que cela se passe. Avec le recul, je me dis que ces gens qui ont parfois le double de notre âge et qui se sentent légitimes de frapper des détenus qui ont les mains liées dans le dos, ils doivent avoir des sérieux problèmes personnels. »

Ana E., prisonnière au même moment dans une autre cellule avec une trentaine de filles, témoigne : « En ce qui nous concerne, nous avions pu retirer nos colsons en nous entraidant entre détenues. J’avais encore mon portable. J’ai appelé ma maman pour lui dire où j’étais et à quel point j’étais stressée. C’est alors que certaines d’entre nous se sont mises à chanter pour masquer le bruit des cris et des coups de matraques. »

Emilie VT ajoute : « Nous avions froid, nous étions stressées. Il fallait attendre très longtemps pour aller aux toilettes car il n’y avait que deux femmes policières pour nous y conduire. Dans notre cellule, nous étions 30 à 35 alors qu’à l’entrée des informations étaient placardées selon lesquelles le local ne pouvait contenir que 20 personnes pour respecter les normes sanitaires. Dans ce frigo, aucune distanciation sociale n’était possible, certaines détenues fumaient, beaucoup n’avaient pas de masques – mais c’était aussi le cas de nombreux policiers que j’ai vus durant cette mauvaise expérience. » Ana E. confirme : « Il n’y avait aucune distanciation sociale possible dans un tel endroit mais les policiers n’en avaient rien à faire. »

A vrai dire, tous nos témoins confirment l’absence totale de respect des mesures Covid dans des cellules surpeuplées, tandis que les geôliers ne donnaient pas de masques aux détenus et les laissaient fumer. Des policiers ont donc contribué à la propagation du virus à un moment où les services de soins intensifs des hôpitaux étaient proches de la rupture. L’étape suivante du parcours subi par la plupart de ces jeunes détenus dans les casernes d’Etterbeek, le passage par un local que nous appellerons la « salle d’enregistrement, confirme d’ailleurs le peu cas que certains faisaient du respect des normes sanitaires.

 « De toute façon, les gens comme toi, vous vous ressemblez tous » - Un policier.

Après un séjour de quelques minutes ou quelques heures dans une première cellule, les détenus sont conduits dans une salle où l’on procède à leur « enregistrement ». Laura F. raconte : « De nombreux policiers non masqués se trouvaient dans cet endroit. Ils n’en avaient visiblement rien à faire des règles sanitaires. On a pris une copie de ma carte d’identité, on a mis mes affaires dans un sac, on m’a pris en photo de face, de profil, avec et sans masque. Les colsons m’ont été enlevés. J’ai dû signer un papier, laisser mes affaires qui ont été placées dans un sac. Ces policiers avaient l’air d’être amusés par la situation. Un peu comme s’ils nous avaient fait une bonne blague. Cela m’a heurté car, franchement, il n’y avait pas matière à rigoler. On entendait des cris qui venaient de certaines cellules mais ils n’en avaient rien à faire. Il y avait des jeunes parmi ces policiers, mais aussi quelques personnes qui étaient dans la quarantaine, voire la cinquantaine. Ils avaient l’âge d’être mes parents. »

Lorsqu’il arrive dans cet endroit, Yassine A. est confronté à un policier qui, tout en le pressant de signer un papier, lui lance : « Toi, j’ai l’impression de te connaître. Tu es déjà passé par ici ». L’ado répond : « Non Monsieur, je ne suis jamais venu ici ». Le policier réplique : « De toute façon, les gens comme toi, vous vous ressemblez tous ».

Pirly K., un jeune qui a la peau noire, raconte : « Quand je suis arrivé dans cet endroit, un policier s’est mis à chantonner un air de la Compagnie Créole : ‘’Cela fait rire les oiseaux’’. J’ai ressenti cela comme une provocation. Ce moqueur devait avoir l’âge de mon papa, dans la cinquantaine. En fait, dans ce local, les policiers avaient l’air très joyeux. C’était en total décalage avec ce que l’on vivait. Personne ne m’a demandé quoique ce soit sur les circonstances de mon arrestation, si j’avais quelque chose à dire pour ma défense, rien. Les seuls mots que j’ai entendus étaient : ‘’ Tu dois signer là’’. »

Misha V. se souvient aussi de son « enregistrement » : « Un policier m’amène dans un endroit où je dois remettre mes affaires personnelles et signer un papier. Ils me prennent en photo. Quelques instants plus tôt dans la première cellule, un robocop m'avait insulté, menaçant. Donc, je n’étais pas fier. Je n’ai soutenu aucun regard policier, je me suis fait le plus petit possible pour éviter les problèmes. Mais j’ai tout de même aperçu un gamin qui avait encore les mains liées dans le dos. Il y avait du crachat sur son visage. Dans cet endroit, les policiers rigolaient entre eux. Tous étaient sans masque. A ce moment-là, je n’en avais plus non plus mais cela ne préoccupait personne. Ils ont pris des photos de moi tout en parlant entre eux comme si je n’étais pas là. J’ai encore vu trois autres jeunes dans ce local. Nous avons échangé un regard. Ils avaient l’air aussi stressés que moi. En sortant de là, j’ai vu qu’il y avait un stock de bouteilles d’eau et des frangipanes (ndlr : elles étaient destinées aux détenus et donc il y avait droit). On ne m’a rien donné. Je n’ai rien osé demander. Je ne voulais pas me faire tabasser parce que ces messieurs auraient pu être irrités. On m’a emmené dans une seconde cellule. »

Ana E. garde ce souvenir de son passage dans ce local : « Aucun policier ne porte de masque. De leur côté, l’ambiance est presque festive. Ils sont hilares, visiblement très contents d’eux-mêmes. Ils me font des sourires qui me mettent mal à l’aise. J’ai l’impression que l’on me regarde comme un animal de foire. Mais le regard le plus cruel que j’ai eu en cet endroit fut celui d’une policière. Un ami homosexuel qui est passé là m’a raconté qu’un agent lui avait demandé sur un ton moqueur s’il fallait l’appeler « il » ou « elle ». Sur le mur, j’ai vu des panneaux qui renseignaient le nombre de personnes arrêtées, quel était leur sexe, quel fourgon les avait emmenées là. On ne m’a posé qu’une seule question : « Où avez-vous été arrêtée ? »

Lucas G. confirme : « Dans ce local, tous les policiers avaient l’air très à l’aise. Comme si le fait de se comporter de manière sexiste, raciste et violente avec des dizaines de personnes les avait comblés de bonheur. C’est là que j’ai entendu certains d’entre eux discuter en ces termes : ‘’ C’est moins que l’autre fois mais c’est tout de même beau ’’. On aurait dit des gamins qui parlaient d’un jeu vidéo, du score qu’ils avaient réalisé. »

8. Tabassages

 « Ma respiration est coupée. Je commence à étouffer. J’essaie de retirer son bras qui m’étrangle (…) J’entends quelqu’un qui crie : ‘’Reste calme, reste calme !’’ »  Soufian E. (18 ans)

Pour certains détenus « l’enregistrement » se fait après quelques minutes de détention, pour d’autres après quelques heures. A ce moment, certains reçoivent une bouteille d’eau et une frangipane, d’autres pas. Ils sont ensuite conduits dans une seconde cellule où, cette-fois, ils ne disposent plus de leurs affaires personnelles et donc plus de leur smartphone pour filmer ou photographier. C’est dans cette seconde phase de leur détention que les faits de violences policières seront les plus nombreux.

Misha V. raconte : « J’ai été conduit dans une seconde cellule où il y avait 27 détenus. L’ambiance était horrible. Il y avait des cris partout et tout le temps dans cette caserne : ‘’Laissez-nous sortir !’’ Il y avait aussi des cris de douleur, des cris de personnes frappées. Les policiers de bonne humeur que j’avais vus quelques instants auparavant ne pouvaient pas ne pas l’entendre. Je resterai encore plus de trois heures en cet endroit. »

Soufian E. fait partie de ceux qui n’ont pas reçu leur petit ravitaillement alimentaire, un petit rappel de l’arbitraire qui règne ce jour-là, en cet endroit : « Dans la seconde cellule, il n’y a pas de toilette et les demandes que nous formulons sont systématiquement ignorées. Cela nourrit la tension. En ce qui me concerne, je m’adresse à une policière blonde qui se trouve devant la porte. Je lui dis poliment, qu’à la différence d’autres détenus, je n’ai pas reçu d’eau et de frangipane. Elle me répond : ‘’Il n’y en a pas’’. Je dis : ‘’J’ai vu le stock lorsqu’on m’a conduit jusqu’ici’’. Elle rétorque : ’’C’est pour nous cela, ce n’est pas pour toi. Tu te crois au resto ou quoi ?’’. Alors je commence à parler avec mon pote qui avait été arrêté avec moi à proximité de la galerie Agora. Il se trouve dans la cellule d’en face.  Je lui crie : ‘’Moi, je n’ai pas eu d’eau et on ne veut pas m’en donner…’’. Quelques instants plus tard, la policière ouvre la porte. Je suis juste à côté de l’entrée. Elle me pousse très fort mais je parviens à rester debout. Il y avait déjà eu l’arrestation arbitraire et maintenant cela. Je lui dis : ‘’Il ne faut pas me pousser comme cela, pourquoi tu me pousses ?’’ Je n’entends pas de réponse mais surgissent quatre robocops. Ils me frappent. Je reçois des gifles dans le visage, un coup de genou dans le bas du ventre. Je tombe. Alors que je suis à terre, ils me frappent dans le bas du corps. »  

Après ce tabassage, un policier sort Soufian de la cellule en le tirant par les bras : « Il me crie : ‘’Reste calme !’’. Mais je suis calme ! C’est eux les excités, moi je ne fais absolument rien. J’anticipe qu’il ne faut surtout répliquer au risque de reprendre une volée de coups ; mais mon absence de réaction ne suffit pas. Alors que je me relève dans le couloir, un autre policier arrive par derrière. Il me prend en guillotine. Autrement dit, il m’attrape par la gorge avec son bras et, tout en serrant fort, il me soulève. Ma respiration est coupée. Je commence à étouffer. Il faut que je me défende. J’essaie de retirer son bras qui m’étrangle. Il me met à terre, ventre au sol. Je ne sais pas si c’est lui ou un autre mais un policier appuie alors son genou sur mon dos et je n’arrive pas à récupérer mon souffle. J’entends quelqu’un qui crie : ‘’Reste calme, reste calme !’’ Je parviens à dire : ‘’Lâche-moi. C’est toi qui m’agresses’’. On me reprend à la gorge et on me soulève à nouveau pour me conduire vers une autre cellule. J’entends encore une fois, ‘’ Reste calme !’’ , avant de perdre conscience. Quelques instants plus tard, je ne sais pas combien de temps exactement, je me réveille dans une cellule et je me rends compte qu’on me tabasse encore. Là, ils ne sont plus que deux. Ils me frappent sur tout mon corps. Un des deux ne porte pas de masque. Avant de sortir de la cellule, il me crache dessus. Cinq autres jeunes sont ensuite amenés dans cette cellule et à chaque fois, le même policier me donne un coup de poing dans le visage. » (Ndlr : Il donne des détails de nature à identifier cet agresseur)

Soufian poursuit : « Dans une cellule d’à côté, un autre jeune est tout seul. Un policier lui dit ‘’tu as la suite présidentielle’’. Le jeune lui répond d’un ton sarcastique ‘’Ha ha’’. Sur ce, le policier rentre dans sa cellule et j’entends un bruit sourd. Le jeune nous a dit par après qu’il avait reçu un coup de matraque.  A l’un des policiers qui ne portait pas de masque, j’ai dit : ‘’Je pourrai reconnaître ton visage. Je déposerai plainte’’. Il m’a répondu : ‘’C’est moi qui vais t’attaquer en justice.’’ C’était celui qui m’avait craché dessus. Quelques temps après ma plainte, j’ai effectivement reçu une invitation au commissariat pour m’expliquer d’‘’outrage’’ et ‘’violence à l’endroit d’un représentant de la force publique’’. Une plainte a été déposée par la policière blonde qui refusait de me donner de l’eau : je ne l’ai pourtant pas agressée verbalement ou physiquement mais sans doute faut-il me rendre coupable de quelque chose... Si j’avais été seul dans cette caserne, sans témoins, je ne sais pas ce qui aurait pu m’arriver. »

« Alors qu’on le frappe, on continue à l’étrangler. Je vois les jambes de ce détenu qui bougent de gauche à droite, jusqu’à ce qu’elles s’arrêtent » - Alex M., 17 ans

Plusieurs témoins ont en effet vu le tabassage de Soufian en cellule et dans le couloir. Daoud, son ami qui était dans la geôle d’en face, notamment : « Quand ils l’ont levé par la gorge pour l’emmener dans une autre cellule. J’ai crié : ‘’Arrêtez, arrêtez’’. Après, pendant trois heures, je n’ai plus eu de nouvelles de lui. Je me suis assis dans un coin, en état de choc, je me demandais ce qu’on lui faisait encore. »

Alex M. a aussi été témoin de cette violente agression : « A ce moment, je suis près de la porte grillagée pour observer ce qui se passe dans le couloir. Je vois que l’on sort un jeune homme d’une cellule par une manœuvre d’étranglement. Je le vois ensuite tomber au sol, tandis qu’un policier se jette sur lui. Alors qu’on le frappe, on continue à l’étrangler. Je vois les jambes de ce détenu qui bougent de gauche à droite, jusqu’à ce qu’elles s’arrêtent. D’évidence, à ce moment, il perd conscience. On se met à le trainer. Il sort de mon champ de vision. »

Emilie VT aussi a vu une partie de cette scène (elle donne une description physique des auteurs qui correspond à celle évoquée par Soufian) : « Des filles de ma cellule commencèrent à secouer la grille en criant : ‘’la loi ne vous permet pas de faire cela’’. Un policier a ouvert la porte et il nous a lancé : ‘’Il faut connaître toutes les lois, reculez bande de salopes.’’ Nous, nous avions encore nos portables. Une fille a dit qu’elle allait filmer. Le policier l’a menacé : ‘’Si tu fais cela, il va t’arriver la même chose.’’

Des tabassages, il y en eu bien d’autres. Ana E. dit : « On a vu des policiers qui étaient violents avec des gens ; qui, par moment, trainaient des personnes. Je ne saurais dire combien de personnes j’ai vu se faire matraquer, se faire tirer par le col. C’était un flux continu. C’était effrayant, révoltant. Il y avait des cris. J’avais peur. »

Laura F. ajoute : « Dans la seconde cellule, ce fut vraiment cauchemardesque. On entendait des gens qui criaient parce qu’ils étaient tabassés. Par les trous de la porte, on a vu un garçon qui était traîné dans le couloir. On le tirait par les bras, les mains, les cheveux. J’ai entendu des filles, qui se trouvaient dans une autre cellule, hurler d’arrêter. On voyait des policiers qui prenaient des personnes et les mettaient dans une autre cellule. Ils éteignaient les lumières et ensuite ils revenaient à plusieurs policiers en tenue anti-émeute, masqués. Quand ils sortaient d’autres policiers rentraient dans cette même cellule avec des gants bleus d’infirmiers et le nécessaire pour soigner des plaies. J’en ai encore des frissons quand j’en parle. Assister à ce genre de choses, entendre crier, ne rien savoir faire… C’est très compliqué à vivre, cela laisse des traces. »

 « J’ai alors reçu des coups de pied de 4 ou 5 policiers. Je suis tombé au sol et me suis mis en position de défense pour protéger ma tête » - Salim B., 15 ans.

Dans ce contexte, il y a eu aussi des comportements inadéquats de détenus dans certaines cellules. Des insultes proférées à l’endroit des policiers, des urinoirs détruits (ndlr : il n’y en avait pas dans toutes les cellules), du plastique brûlé… Le fait d’individus se comptant sur les doigts d’une main et dont on n’est pas certains qu’ils faisaient partie de ceux qui avait été arrêtés du côté de la gare centrale. Cela donna prétexte, on n’en sera pas surpris, à d’autres tabassages.

Salim B., 15 ans en fut l’une des victimes : « Il y avait du grabuge dans la cellule depuis un certain temps. Je n’y ai pas participé. Après un avertissement, les robocops sont venus avec casques et matraques. Ils sont tombés sur moi : ‘’Toi viens, lève-toi’’. J’ai alors reçu des coups de pied de 4 ou 5 policiers. Je suis tombé au sol et je me suis mis en position de défense pour protéger ma tête. J’ai senti des coups partout sur mon corps mais je ne sais pas avec quoi ils ont été donnés. Ensuite, un des policiers qui venait de me frapper m’a pris par la nuque et m’a fait sortir de la cellule. Je ne me débattais pas mais il faisait exprès de me pousser contre les murs. Durant le trajet, plusieurs policiers m’ont regardé passer. J’ai crié : ‘’Je n’ai rien fait, je n’ai rien fait.’’ Certains d’entre eux m’ont insulté : ‘’macaque’’, ‘’fils de pute’’.  J’ai aussi croisé une policière. Je lui ai crié que je n’avais rien fait ! Tout en me disant, ‘’ouais, c’est ça’’, elle m’a donné un coup de pied dans les tibias. Le policier qui me tenait par la nuque m’a placé dans une cellule où il y avait d’autres garçons. L’un d’entre eux avait fort mal au tibia, il réclamait de la glace. Il faisait noir dans cet endroit, ils avaient éteint la lumière. J’ai constaté que je n’avais plus mon masque mais peu de temps après un policier me l’a jeté. Je me suis installé dans le fond. Je tremblais. J’avais un sentiment de haine et de peur. Je me disais qu’il s’agissait peut-être d’un endroit où d’autres policiers viendraient se défouler sur nous. Cela n’est pas arrivé. J’ai été libéré peu de temps après parce que mon père - il m’avait géolocalisé grâce une application - s’était signalé à l’entrée de la caserne pour me récupérer. Le moment où l’on m’a frappé correspond d’ailleurs à celui où mon père m’a réclamé. Je crois savoir qu’un autre mineur d’âge a vécu une coïncidence semblable : son père arrive, le réclame, mais avant qu’il parte on le frappe. J’ai l’impression qu’on a voulu nous traumatiser avant que l'on quitte cet endroit. »

« J’ai reçu une pluie de coups de pied. Je criais, je leur demandais d’arrêter. Je me souviens d’avoir entendu : ‘’Ferme ta gueule’’ - Pirly K., 16 ans. 

Le mineur d’âge dont parle Salim s’appelle Pirly K., 16 ans. Il raconte : « Je me trouvais dans une cellule où deux ou trois personnes s’en étaient prises à l’urinoir. Je n’ai pas participé à ces faits. Des policiers sont arrivés dans le couloir. Ils étaient au moins 10, sans doute plus encore. La plupart d’entre eux étaient en habits anti-émeute. Ils avaient des cagoules, des masques, on ne voyait pas leurs yeux. C’était effrayant. Ils sont d’abord rentrés dans la geôle d’en face pour y tabasser des détenus. Par les trous dans la porte, j’ai vu un garçon qui avait la tête en sang et que l’on tirait par les pieds. J’ai vu des gens qui se débattaient. Ce sont des scènes hallucinantes, je n’en reviens toujours pas. Cela m’a choqué. Ensuite, ce fut notre tour. Sept ou huit policiers sont entrés, tenues anti-émeute, bottes et gants renforcés. L’un d’entre eux tenait un petit papier en main. Il a mentionné mon nom en me regardant : ‘’Pirly K ?’’ J’ai répondu : ‘’Pardon ?’’. Il a redit mon nom. C’était le silence total dans la cellule. Nous étions terrorisés. Je me suis levé pour aller vers eux. Aussitôt, un policier m’a tapé sur l’arrière de la tête en marmonnant un truc, je ne sais plus quoi. Le coup était violent. Je me suis retrouvé au sol ; sans doute m’a-t-on tiré par le col. A terre, j’ai reçu une pluie de coups de pied. Je criais, je leur demandais d’arrêter. Je me souviens d’avoir entendu : « Ferme ta gueule ».  On m’a raconté plus tard que Léonard, un ami que se trouvait dans la cellule s’est levé pour intervenir : il a pris une balayette et il est tombé en arrière, le dos touchant le sol en premier. Après le tabassage, ils m’ont dit de me relever et ils m’ont fait sortir. C’était encore une manière de terroriser les autres ; ils pouvaient se demander ce qui allait m’arriver. En fait, je me suis retrouvé dans le couloir, au contact de deux policières. Je saignais du nez, je pleurais. Je leur ai demandé pourquoi on m’avait frappé, je leur ai que je n’avais rien fait pour mériter cela. Une des policières m’a répondu : ‘’ Vous les jeunes, ce n’est jamais de votre faute.’’ Je ne la savais pas mais en fait j’étais proche de la sortie car, pendant qu’on me frappait, mon père s’était déjà signalé à l’entrée des casernes. On m’a donné mes affaires personnelles. C’était fini pour moi. »

 « L’un d’entre eux a crié : ‘’Maintenant, vous ferez moins les malins, bandes de salopes’’ » Alex M., 17 ans

Simon P. et Alex M. ont assisté au tabassage de leur ami. Ils le décrivent à l’identique. Simon précise : « Au moment où ils s’en sont pris à Pirly, ils n’ont pas cherché à savoir qui avait cassé l’urinoir. Ils voulaient juste frapper sur quelqu’un, faire un exemple. Quand mon ami a été sorti de la cellule, une dizaine de policiers masqués sont restés avec nous. Avec une lampe de poche qu’il dirigeait vers nos visages, l’un d’entre eux a fait le tour de la cellule posant la question à chaque personne : « Qui a fait cela ? C’est toi ? » On devait baisser les yeux assez vite, sinon on recevait un coup dans la tête ou dans les tibias. » 

Alex M. confirme : « C’est alors que j’ai reçu un coup à la tête. Ensuite, les policiers sont partis. L’un d’entre eux a crié : ‘’Maintenant, vous ferez moins les malins, bandes de salopes’’. Quelque temps plus tard, les policiers sont venus chercher les agitateurs qui avaient cassé l’urinoir. Ils ont été emmenés je ne sais où, mais là, sans violence. Pourquoi est-ce à Pirly qu’ils s’en sont pris ? C’était gratuit, totalement arbitraire. A ce moment, les policiers savaient que son père l’attendait dehors. Peut-être ont-ils voulu faire passer le message que c’étaient eux les boss, même si papa attendait dehors ? »

9. La sortie des casernes

« Un peu à la dérobée, un autre policier m’a donné un mouchoir en papier pour essuyer mon nez qui saignait » Pirly K., 16 ans 

Ils sortirent des casernes d’Etterbeek au compte-goutte. Les mineurs et les filles d’abord entre 21 heures et 22 h 30. Simon P. se souvient d’un échange avec des policiers alors qu’il quittait cet endroit : « Ils ont dit : ‘Ce sont des collègues qui ont fait cela, pas nous. Vous fermez vos gueules’’. » Alex M. est resté marqué par les larmes de sa maman : « Quand je suis sorti, elle m’attendait. D’abord, elle a voulu m’engueuler. Mais je lui ai attrapé le bras comme si je m’accrochais à une bouée, comme je ne l’avais plus fait depuis mes huit ans. Elle a compris. Elle s’est tournée vers moi, elle m’a regardé et elle m’a dit : « Est-ce qu’ils t’ont frappé ? ».

Ana E. se rappelle d’un silence pesant : « On est venu me chercher. On m’a dit d’attendre dans le couloir. Deux mineurs d’âge m’ont rejoint. Ensuite deux policiers nous ont dit de les suivre. On ne savait pas où on allait. Il n’y avait absolument aucune communication. Les policiers parlaient entre eux comme si nous n’étions pas là. Après être sortie de cette caserne, je me suis tout de suite rendue chez des amis pour trouver quelque réconfort. J’étais en état de choc, je considère que je le suis encore aujourd’hui. »

Laura. © Ronald Dersin

Laura. © Ronald Dersin

Laura F. se remémore une ultime menace : « J’ai été relâchée vers 21 heures, en même temps qu’une amie. Nous avons demandé à avoir une attestation comme quoi nous avions été arrêtées mais les policiers n’ont rien voulu savoir : ‘’Vous n’avez pas droit à un justificatif (…) Si vous insistez, vous resterez ici toute la nuit.’’

Tandis qu'Emilie VT. se rappelle une ultime indignation : « Alors que l’on me libérait, j’ai reçu ma gaufre et une bouteille d’eau, un peu comme un cadeau-souvenir. Le chemin jusqu‘à la sortie était long et j’avais très peur de ce qui aurait pu encore m’arriver. J’ai été raccompagnée par deux policiers qui parlaient entre eux comme si je n’étais pas là. Ils ont évoqué le fait qu’il y avait des couvertures pour les détenus. Cela m’a choqué parce que ces couvertures, on ne les a jamais vues, alors qu’il avait fait extrêmement froid dans les cellules et que certaines filles étaient en état d’hypothermie. »

Certains restèrent très tard, tel Misha V : « Je suis sorti parmi les derniers vers 1 heure du matin. On entendait crier notre nom, on devait aller récupérer nos affaires personnelles et monter dans un bus. Il y avait le couvre-feu mais les policiers s’en fichaient. C’était à nos risques et périls : ils nous ont fait comprendre que si nous étions contrôlés, nous risquions une amende. Ma sœur habite juste à côté des casernes d’Etterbeek. J’ai demandé de pouvoir me rendre chez elle. Ils me l’ont interdit. Je devais monter dans le bus. Celui-ci a fait plusieurs haltes dans le centre-ville. En ce qui me concerne, j’ai été relâché avec dix autres personnes du côté de la gare centrale. Avec un garçon qui était dans la même situation que moi, on s’est partagé les frais d’un taxi pour rentrer chez nous au plus vite. »

Même topo pour Soufian E. : « Je suis finalement resté jusqu'à 1 heure du matin dans la caserne. Ensuite, ils m’ont emmené en bus jusqu’à à la gare centrale. Ils m’ont dit à plusieurs reprises : ‘’Tu dois fermer ta gueule’’. J’étais resté calme depuis le début de mon arrestation jusqu’à la fin. Cela n’a pas empêché que l’on me tabasse. »

« Après un silence, ce policier a dit : « Désolé, cela n’aurait pas dû arriver » - Alex M., 17 ans

Mineur d’âge, Salim B. est sorti bien plus tôt, vers 21 heures : « Quinze minutes après mon tabassage, un policier a dit mon nom. Je me suis levé. J’avais peur. Allais-je encore être frappé ? Il m’a dit : ’’Va prendre tes affaires’’. J’ai parlé avec deux policiers qui m’accompagnaient vers la sortie. Je leur ai dit qu’ils savaient très bien ce qui se passait à l’intérieur. Ils m’ont répondu que non et que s’il s’était passé des choses répréhensibles, il fallait porter plainte. Je leur ai dit que je pensais que cela ne servirait à rien, qu’ils ne seraient jamais punis. L’un d’eux a répliqué : ‘’Si tu penses comme cela, c’est clair qu’on ne sera jamais puni.’’ Je suis sorti. Il y avait plein de parents qui attendaient. J’ai retrouvé mon père. Il avait attendu plus d’une heure. Il avait vu passer plusieurs jeunes en pleurs avec des bosses et des balafres. Il a pété un câble. Il a commencé à crier. Ensuite il s’est calmé. »

Pirly K. a été libéré dans la même tranche horaire : « Quand on m’a donné mes affaires personnelles, juste après le tabassage, on entendait encore des cris partout dans cette caserne. Certains des policiers qui étaient là avaient été des témoins de mon agression mais ils ne disaient rien, ils ne me demandaient pas si cela allait. Tout le monde restait muet. Jusqu’à ce qu’un policier qui portait un uniforme classique me dise tout de même : ‘’Ça va ?’’.  Je lui ai répondu : ‘’Non, vos collègues viennent de me frapper, vous pensez que je suis comment ?’’. Alors, il m’a dit : ‘’Je suis désolé mais je ne peux rien y faire.’’ Ensuite, un peu à la dérobée, un autre policier m’a donné un mouchoir en papier pour essuyer mon nez qui saignait. J’ai pris mes affaires, je suis parti. J’étais en état de choc. » 

Cette anecdote souligne le fait que, durant leur épreuve, certains de ces jeunes ont aussi rencontrés des policiers qui n’étaient pas d’accord avec les violences dont ils ont été les victimes, qui se sentaient déstabilisés par des méthodes qu’ils ne cautionnent pas. Alex M. raconte à cet égard : « Vers 22 h 30, lorsque nous sommes sortis de cellule, nous sommes tombés sur un policier qui a remarqué que l’un d’entre nous avait les avant-bras en sang parce que ses colsons avaient été trop serrés. Le policier lui a demandé :  ‘’Est-ce que cela va ? Si c’est un de mes collègues qui a serré trop fort les colsons, ce n’est pas normal.’’ Incroyable ! Il y en avait un qui était gentil ! On lui a dit qu’un de nos amis s’était fait tabasser. Là, on a bien vu qu’il ne savait pas quoi dire, qu’il était fort esseulé dans cette caserne. Après un silence, ce policier a dit : « Désolé, cela n’aurait pas dû arriver. »

10. « A refaire, je ferais la même chose » - Le bourgmestre Philippe Close

En tant que bourgmestre de la ville de Bruxelles, Philippe Close a donné l’ordre à la police de mettre fin au rassemblement du 24 janvier. Dans quelles circonstances, avec quelles motivations. Voici son point de vue.

Quel regard portez-vous sur les faits ?

Il faut d’abord souligner que nous sommes dans un contexte très particulier à Bruxelles. Nous devons gérer environ 1000 manifestations par an. Rien que sur la journée d’hier (ndlr : 18 avril 2021), j’ai dû gérer quatre manifestations. De plus, depuis quelque temps, la situation se complique par le fait que de plus en plus de personnes croient qu’elles n’ont pas à demander l’autorisation de manifester.

Elles se trompent ?

Oui parce que, constitutionnellement, la liberté de manifester n’est pas absolue : il faut demander l’autorisation aux autorités communales. Dans la pratique, il est cependant très rare que l’on interdise un rassemblement ; l’usage est de négocier avec les organisateurs pour que tout se passe au mieux. Mais aujourd’hui, cela se perd et on assiste à des rassemblements qui s’organisent via les réseaux sociaux et qui prônent la désobéissance civile. Voyez par exemple, les manifestations d’« Extinction Rebellion ». Dès lors, le risque que les choses dégénèrent est devenu plus grand.

Mais dans le cas de cette manifestation contre les violences policières, les organisateurs semblent avoir bien eu du mal à trouver un espace de négociation avec la ville ? Vous avez commencé par interdire cet événement ?

En décembre 2020, en effet, je n’ai pas autorisé cette manifestation alors qu'elle voulait se faire Place Poelart. Mais cela n’avait rien à voir avec sa thématique : aucune manifestation n’était organisée à ce moment-là en cet endroit parce qu’on était en pleine seconde vague de la pandémie. Je tiens en effet à insister sur le fait que je suis un fervent défendeur du droit à exprimer des opinions et notamment de manifester des désaccords par rapport aux décisions prises par les gouvernants. Je n’avais donc aucune opposition de principe à la manifestation du 24 janvier tout en ayant conscience qu’elle était un peu périlleuse. Elle concernait une actualité assez brûlante – les violences policières – et elle se proposait dans un contexte sanitaire n’autorisant que des rassemblements statiques d’une durée limitée. En l’espèce, s’est ajoutée la circonstance que la ministre de l’Intérieur m’a écrit pour que j’interdise purement et simplement ce rassemblement. Les organisateurs, informés de ce fait, nous ont avertis qu’ils n’acceptaient pas une seconde interdiction et qu’ils viendraient tout de même. J’ai finalement concédé 45 minutes, place de l’Albertine, dans le respect strict des condition sanitaires. Je ne voulais pas que l’on vienne arguer que le thème de la manifestation était censuré. Mais en même temps, il fallait aussi tenir compte de ce qui s’était passé quelques jours auparavant lors d’une autre manifestation dont la thématique était proche et qui s’était terminée par l’incendie d’un commissariat à Schaerbeek (ndlr : Manifestation pour Ibrahima du 13 janvier).

D’où l’important dispositif policier ?

Oui. Il faut comprendre que le contexte n’était donc pas d’une extrême sérénité.

Tout le monde est d’accord sur le fait que, le 24 janvier, la manifestation proprement dite s’est passée de manière paisible ?

Oui, mais une demi-heure à trois quart d’heure après la dislocation, nous avons dû déplorer que des groupes de personnes restaient encore présents dans les environs immédiats du lieu de la manifestation. On a donc procédé à des arrestations administratives pour prévenir tout incident.

Mais plusieurs témoins affirment que la situation était très calme ?

Moi, j’ai reçu l’information que plusieurs jeunes appelaient « à tout casser » et on voyait des gens courir dans tous les sens. C’est ce qui a justifié la mise en œuvre de cette technique de confinement (ndlr : la « nasse » dont parlent les témoins) pour isoler les éventuels fauteurs de troubles et éviter tout incident. In fine, il n’y a eu aucun dégât matériel lié à cette manifestation.

Vous étiez aux commandes pendant la manifestation ?

Oui, j’ai tout suivi sur les écrans du poste de commandement où toutes les images sont diffusées (caméras de surveillance, drones, hélicoptère). Et j’ai donné l’ordre de mettre fin à ce rassemblement de personnes qui, il faut le souligner, étaient souvent très jeunes. Il y avait notamment des enfants de 12-13 ans non accompagnés. Que faisaient-ils là, dans ce qui s’était transformé en rassemblement non autorisé ? La police a dû raccompagner certains de ces enfants chez eux parce que les parents ne voulaient pas venir les chercher.

Encore une fois, plusieurs témoins expliquent qu’après la manifestation tout le monde était très calme ?

Il fallait aussi obtempérer aux injonctions de quitter l’endroit, de se disperser. Cela leur a été demandé plusieurs fois. A un moment donné, on intervient. Je n’allais tout de même pas attendre que l’on en vienne à brûler un commissariat ou que l’on commence à casser des vitrines pour agir. On a fait comme cela aussi lors de la « Boum 1» : pendant près d’une heure, nous avons demandé aux gens de se disperser et puis après nous sommes intervenus. Il faut respecter les injonctions de la police sans quoi il n’est plus possible de gérer l’espace public.

Selon des témoins la police s’est assez rapidement mise en action, soit 20 minutes après la fin de la manifestation en poursuivant des jeunes qui ne faisaient que passer dans le quartier, ce qui a causé un petit mouvement de foule. La curiosité aidant, cela a aussi incité les gens à rester pour voir ce qui se passait ?

20 minutes après la manifestation, un dimanche en plein confinement, les gens n’avaient pas à encore trainer là. Par ce temps de crise sanitaire, les rassemblements sont interdits, les arrêtés ministériels sont extrêmement clairs sur le sujet. Et d’ailleurs, le fait que j’ai toléré 45 minutes m’a déjà été reproché par d’aucun. De plus, il y a eu les préavis : à un certain moment, les gens doivent respecter les injonctions qui leur sont données. D’autant plus quand le contexte est extrêmement complexe à gérer en raison de la crise sanitaire. Les organisateurs de la manifestation l’avaient d’ailleurs bien compris et aucun d’entre eux n’a été arrêté parce qu’ils sont partis au moment convenu.

En même temps, vous pouvez convenir qu’il n’y pas eu d’acte violent posé par les quelques dizaines de personnes qui étaient dans ce périmètre « interdit » ?

Je ne pouvais tolérer, en plein pic épidémique, que des personnes restent ainsi rassemblées pendant des heures. A refaire, je ferais la même chose, c’est-à-dire une montée en gradation : des préavis, et puis, à un moment donné, si cela ne suffit pas, des arrestations administratives.

Le préavis a été donné de manière bien plus clair quelques semaines plus tard lors des évènements du bois de la Cambre. Dans le cas du 24 janvier, beaucoup de gens disent avoir été surpris par la mise en action de la « nasse », un peu comme s’il avait manqué quelque chose en termes de « gradation », pour reprendre le terme que vous utilisez ?

Au bois de la Cambre, le contexte était différent. Il y avait un mélange de « boumeurs » et de familles qui étaient là pour se promener, se délasser. Dans le cas du 24 janvier, on a dit que certains ont été arrêtés parce qu’ils étaient là par hasard, c’est possible mais alors c’est une infime minorité. Objectivement, ces gens savaient qu’ils n’avaient pas être là.

Vous dites que peu de gens étaient là par hasard. Nous avons tout de même recueilli des témoignages de personnes qui ne faisaient que passer dans le quartier et qui ont été arbitrairement arrêté par la police ?

Il faudra voir ces témoignages mais je rappelle que les arrêtés ministériels étaient assez clairs sur les interdictions de rassemblement durant cette seconde vague. Honnêtement, je ne suis pas en mesure de commenter des cas individuels. Certains ont dit qu’ils allaient faire du shopping un dimanche après-midi alors que tout était fermé. Des gens m’ont dit qu’ils venaient faire un tour en ville comme cela mais j’ai le sentiment qu’ils venaient tout de même pour assister à ce qui allait se passer. Il y a aussi des gens qui ont dit qu’ils venaient tourner un clip mais là encore ils auraient dû passer par nous pour avoir les autorisations. L’occupation de l’espace public, je le répète, nécessite une autorisation. C’est la loi. Et puis, on était en pleine seconde vague et moi j’ai quatre hôpitaux à gérer sur mon territoire, quatre hôpitaux dont les services de soins intensifs étaient proches de la saturation. Il y a une balance à faire entre la liberté d’expression, la liberté de mouvement et la sécurité sanitaire. Ce qui est extrêmement complexe dans cette crise, c’est que l’on doit trouver le bon équilibre.

La sécurité sanitaire parlons-en. Des dizaines de personnes se sont retrouvées agglutinées pendant de longues minutes devant la gare centrale, enfermées dans ce cordon formé par les policiers. Des témoins évoquent l’impossibilité qu’il y avait alors de maintenir les mesures de distanciation sociale. Dans ce cercle, certaines personnes ont fumé, d’autres n’avaient pas de masque. De même dans les fourgons, les personnes qui avaient les mains liées dans le dos, avaient souvent le masque qui tombait et, enfin, les cellules d’Etterbeek étaient surpeuplées (jusqu’à 30 personnes) avec des détenus ne portant pas toujours de masque, qui fumaient parfois. Selon divers témoins, nombre de policiers qui ont été en contact avec des détenus aux casernes ne portaient eux-mêmes pas de masque…

C’est vrai que les cellules d’Etterbeek ne sont pas des lieux adaptés. Nous les avons visitées avec mon collègue Christos Doulkeridis (ndlr : le bourgmestre d’Ixelles) et on a demandé au fédéral qu’elles soient désormais équipées de caméras comme toutes les cellules qui se trouvent dans la zone de police Bruxelles-capitale-Ixelles. De telle sorte qu’il n’y aura plus de contestation sur ce qui s’y passe. Pour le reste, il y a des plaintes, c’est vrai, mais il faut laisser se dérouler les différentes enquêtes en cours.

Cela nous écarte de la question précédente : les témoignages que nous avons entendus sont parfaitement concordants sur le fait que, tant dans le cercle devant la gare centrale, dans les fourgons et ensuite dans les cellules, les règles sanitaires n’étaient pas respectées et que la police n’avait pas le souci de les faire respecter ?

Je pense que la police a fait le maximum.

Il semble qu'elle a plutôt fait le minimum à cet égard ?

Je ne partage pas votre point de vue. C’était un contexte difficile, un contexte d’arrestations, il ne faut pas l’oublier. Cela dit, il n’y a pas une manifestation qui n’est pas débriefée. On se demande toujours si on a bien fait les choses, on cherche à s’améliorer. Mais il faut avoir conscience du fait que la gestion de l’ordre public est une matière très complexe. Quand tout se passe parfaitement, on ne parle jamais de ceux qui prennent les décisions. Mais s’il y a un problème…

Il y a aussi les insultes racistes et les violences dénoncées par de nombreuses personnes qui ont été détenues à Etterbeek. Elles parlent notamment de tabassages en règle. Quels commentaires avez-vous envie de formuler à ce propos ?

Je vais être très clair, le racisme n’a pas sa place dans la zone de police de Bruxelles-capitale-Ixelles, comme nulle part ailleurs dans notre société. A cet égard, le chef de corps, Michel Goovaerts, est intransigeant : des policiers ont été déjà condamnés ou écartés. Mais il faut aussi souligner que l’immense majorité des policiers sont des gens en qui la population peut avoir confiance, des gens qui travaillent au bien-être commun. Tous les jours, ils sont sur le terrain et on sait que l’on vit des moments très compliqués. On leur demande de faire respecter des règles auxquelles les gens adhèrent de moins en moins.

Comme dans n’importe quel corps social, il y a sans doute quelques pommes pourries qui, par des comportements intolérables, ternissent l’image de tous les autres ?

Si tel est le cas, je dis aux policiers de ne pas se taire. Ils doivent dénoncer des comportements de collègues lorsqu'ils apparaissent illégaux ou éthiquement condamnables. Cela dit, je pense qu’on peut être plutôt fiers de la police belge. Dans des pays voisins, c’est beaucoup plus tendu, il n’y a presque plus de dialogue entre certaines parties de la population et la police. Ici, nous n’en sommes pas là. Mais c’est vrai, je sens que la confiance est en train de se rompre, de part et d’autre, entre une partie de la jeunesse et la police. C’est pourquoi j’ai reçu plusieurs jeunes en présence de Bernard De Vos, le Délégué général aux droits de l’enfant. J’ai demandé cette médiation parce que cela fait partie de mon boulot de reconstruire la confiance. Peut-être que ces évènements vont permettre de construire un nouveau dialogue.

Il y a des policiers dans tous les Etats du monde, sous tous les régimes politiques. Leur boulot est indispensable et éminemment respectable. Mais ce n’est pas le sujet de cet entretien. Quand on entend des récits d’enfants et de jeunes recevant des coups des pied donnés par des adultes portant un uniforme dans une cellule ; quand un jeune raconte qu’on l’a traité de « macaque » avant de lui cracher au visage, peut-on se contenter de dire que la police fait du bon travail « en général ». Il y a peut-être un discours ferme à tenir sur les « pommes pourries » ?

Je ne peux pas commenter des cas particuliers mais je rappelle qu’une enquête disciplinaire est en cours et que le Comité P fait son boulot. Je pense aussi que l’amélioration de l’équipement du centre de détention administrative (placement de caméras…) va permettre d’améliorer beaucoup de choses.

11. « Une instruction est en cours. On ne peut interférer » - Olivier Slosse, porte-parole de la police de la zone Bruxelles-capitale-Ixelles

Olivier Slosse. © Belga

Olivier Slosse. © Belga

Nous avons également pris contact avec Olivier Slosse, porte-parole de la zone Bruxelles capitale-Ixelles. Celui-ci nous a expliqué qu’il lui était impossible de répondre à des questions portant sur des faits concrets allégués par nos témoins. Motif : « Une instruction judiciaire est en cours, on ne peut interférer dans ce processus. » Notre interlocuteur renvoie aussi à un communiqué publié par la police, peu de temps après les faits.

Le voici : « La manifestation du 24 janvier 2021 n’avait pas été autorisée par la Ville de Bruxelles en raison, d’une part, du contexte sanitaire actuel et, d’autre part, de la non-garantie apportée par les organisateurs d’une présence maximale de cent participants (ndlr : on a vu au début de notre enquête que le bourgmestre avait aussi fait état d’un rapport de la police présentant à tort l’un des organisateurs comme une personne « cherchant la confrontation ») Finalement, la présence statique de 100 personnes avec respect des mesures Covid édictées (port du masque, respect des distanciations sociales, nombre maximal de personnes présentes) avait été négociée et tolérée place de l’Albertine dans le centre de Bruxelles pour une durée de 45 minutes. La présence d’un grand dispositif de sécurité, en collaboration avec la police fédérale, avait pour but d’éviter tout débordement et maintenir le calme, au vu des incidents connus ces dernières semaines. La manifestation négociée s’est déroulée de façon paisible, dans le respect des mesures prises. » Sur ce point, la version de la police confirme donc celui de nos témoins.

Selon ce communiqué, « après la dislocation de la manifestation, de petits groupes se sont formés et présentés dans les environs de la place de l’Albertine. Le personnel en place leur a demandé à plusieurs reprises de quitter les lieux dans le calme, la manifestation étant terminée. Certaines groupes encore présents, constitués de +/- 10 personnes, ont cherché à éviter les points de contrôle, une partie courant en direction de la Grand Place, l’autre en direction du haut du Mont des Arts – endroit situé près de la zone neutre. Des appels à « tout casser » se sont fait entendre. »

Comme on l’a lu, les nombreux témoins que nous avons entendus ne font pas état d’appels à « tout casser » mais d’un encerclement soudain qui a commencé après la prise en chasse de jeunes qui ne faisait que se promener dans le quartier et qui n’avaient rien à voir avec la manifestation. On suppose que l’instruction ouverte au parquet de Bruxelles permettra d’en savoir plus.  

A propos de faits de violences qui se sont déroulés aux casernes d’Etterbeek, le communiqué de la police est muet ou presque. Il signale seulement que « dans la cellule où les mineurs étaient détenus, des détériorations ont été commises, à savoir la destruction d’urinoirs métalliques arrachés du mur et jetés contre le mur. » Des telles dégradations ne sont évidemment pas une justification recevable pour des tabassages, lesquels se sont également passés dans des cellules où il n’y eu pas de dégâts matériels. On rappellera enfin que les violences dont des jeunes ont été l’objet lors de leur détention ont aussi été pointés du doigt par des policiers. « Nous dénonçons ces actes - que nous jugeons inadmissibles - afin qu'ils ne se reproduisent plus à l'avenir », a déclaré le responsable police de la CGSP, Eddy Quaino. Puisse-t-il être devin…