Migrants : l’autoroute du trafic



Une enquête de Frédéric Loore



Introduction


Elle s’appelait Mawda, elle avait 2 ans. Née en Allemagne de parents kurdes qui fuyaient l’Irak, elle n’aura connu que l’errance. Une nuit du mois de mai dernier, elle a perdu la vie sur l’autoroute E42 entre Namur et Mons, au terme d’une course-poursuite entre des patrouilleurs de la police fédérale de la route et le passeur qui conduisait la camionnette dans laquelle s’entassaient une trentaine de migrants. Une balle perdue et son chemin d’exil s’est arrêté net.



Le soir venu, ils sont des centaines à rallier les aires d’autoroute au départ de la gare du Nord à Bruxelles

Cette histoire tragique a brutalement fait irruption dans le quotidien de nombreux Belges qui ignoraient jusqu’alors que toutes les nuits, sur nos autoroutes, des hommes, des femmes, des enfants sont trafiqués par des réseaux d’immigration illégale. Ils viennent pour la plupart d’Erythrée ou du Soudan, mais également d’Irak et de Syrie. Selon les cas, ils fuient la guerre, l’oppression, la misère, ou poursuivent tout simplement le rêve d’eldorado européen qu’on leur a vendu au prix fort.




Beaucoup de ces personnes ne souhaitent pas demander l’asile en Belgique. Elles sont là en transit, le plus souvent vers l’Angleterre, le but ultime de leur long voyage. Pour cette raison, on les appelle des transmigrants. Notre pays, ainsi que le nord de la France, constituent pour eux les principaux points de passage afin de gagner clandestinement le Royaume-Uni. Pour y parvenir, elles s’en remettent à des trafiquants d’êtres humains toujours plus organisés, violents et avides. D’autres tentent leur chance sans l’aide des passeurs, mais en s’inspirant de leur manière d’opérer. Quoi qu’il en soit, tous ou presque finissent par se retrouver dissimulés dans des camions en partance pour les îles britanniques via les ports de Dunkerque, Calais ou Zeebrugge.


Le soir venu, ils sont des centaines à rallier les aires d’autoroute au départ de la gare du Nord à Bruxelles, ainsi que depuis les campements sauvages du Dunkerquois et du Calaisis. Beaucoup s’y rendent par leurs propres moyens, d’autres sont véhiculés par les passeurs. Au milieu de la nuit débute alors un étrange ballet d’ombres fuyantes qui se glissent en silence à l’intérieur des bahuts. Le phénomène n’a longtemps affecté que les départements français du Nord et du Pas-de-Calais, de même que la Flandre et Bruxelles. Depuis plus d’un an, il s’étend à la Wallonie. Désormais, ces passagers de la nuit, s’ils hantent toujours les aires autoroutières situées entre la capitale et le littoral, s’éparpillent également sur les parkings étalés entre le Hainaut occidental et les portes de l’Ardenne.

Qui trouve-t-on derrière ce vaste trafic ? Comment s’organisent les filières ? Comment les migrants s’y prennent-ils pour entrer en contact avec les passeurs ? Combien coûte un passage clandestin ? Que font la police et les autorités ? Pour répondre à ces questions, Paris Match a mené l’enquête trois mois durant, au ras du bitume, avec le soutien du Fonds pour le journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles. Une immersion dans cet inframonde à la fois si proche et si éloigné du nôtre, dans lequel des Mawda disparaissent tous les jours.


L'équipe

Frédéric Loore – Journaliste

Enquête et reportage.

Maxime Daix – Vidéaste

Réalisation et montage.

Ronald Dersin – Photographe

Reportage.

Mohammed El Abbani

Correspondant de presse

Collaboration à l'enquête

Raphaël Batista – Ui Designer

Création web.


Remerciements

« Kasim »


Pour ton précieux témoignage. Puisses-tu vivre un jour libre et en paix.


Le Fonds pour le journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles


Pour le soutien au journalisme qui exige du temps, donc de l'argent.


Les migrants


Pour nous rappeler que nous serons peut-être un jour des exilés.


Martin Stameschkine


Pour la voix off.


Paris Match Belgique


Pour la confiance et le temps accordés.


« Samir et Fadel »


Pour votre confiance. En vous espérant arrivés au bout du voyage.

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